Caserne de Giran…
« Et tu l’as engagé quand même ? Fit le second du capitaine.
– Et bien en partant du principe qu’un homme de plus dans cette petite guéguerre contre les hommes lézards n’est jamais de trop et qu’il avait l’air solide et volontaire, qu’est-ce que tu voulais que je fasse ?
– Il sentait la bière et t’as appelé « P’tit gars »…
– Raison supplémentaire pour l’envoyer au suicide !
– A ce compte là, pourquoi lui avoir fourni des armes ? Il ne s’est pas gêné !
– Oui oui oui, je sais je sais je SAIS !
La capitaine déposa ses gantelets d’acier sur un râtelier d’arme en grommelant, sous le regard dépréciateur du second. Devait-on s’occuper des guerriers Maille oui ou non ? Ce n’était pas parce que le Roi jugeait la menace futile (et elle l’était) qu’il fallait essuyer les escarmouches sans sourciller…
Bon, il l’admettait, envoyer une riposte par nombre de 1 relevait plus de l’exécution de condamnés mais enfin, cet homme manquait tellement de principes… Sa perte ne pèserait pas beaucoup sur la société !
Campement des hommes-lézards…
Tout était calme tandis que les guerriers s’entrainaient… Regardant une matriarche en plein repas d’un œil rêveur, le shaman finit par détourner ses yeux reptiliens de ce spectacle réjouissant pour scruter la rive.
Soudain, stupéfaction, un humain sortit des flots sans grande discrétion, laissant s’écouler toute l’eau restée entre les articulations de son armure en cuir durci au feu. « Ha ! Satanée flotte ! Tout juste bonne à me laver les pieds ouais ! »
Que disait cet étrange humain ? Etait-ce un émissaire ? Peut-être venait-il enfin annoncer que le village se rendait à leurs griffes ? Après tant de sacrifices, la Déesse Vipère les récompensait enfin !
L’humain se retourna vers le rivage et sortit une lance dont la tête était doublée d’un marteau à son extrémité… Se retournant en tenant l’arme entre ses mains, tapotant sa paume avec le manche, il regarda les lézards devant lui, dont le shaman…
« Alors les filles ? Prêtes à vous prendre une dérouillée ? »
Léfilles ? Il devait y avoir erreur… Pourtant les Maille s’étaient présentés à leurs adversaires durant les premières escarmouches pour effrayer l’ennemi. L’humain commença à gesticuler, crachant par terre et leur montrant son majeur, drôle de rituel.
Tournant les yeux vers le matriarche, le shaman vit que celle-ci avait compris le petit jeu de l’humain qui, à y regarder de plus près, portait une balafre sur le visage. Lui demandant ce que voulait l’humain, curieux, celle-ci ne prit pas la peine de répondre et saisit ses armes.
Pourtant, l’homme n’attaquait pas, il continuait de beugler…
« Bah alors ? On se pâme sous ses écailles, on tremblote comme des sales rats d’égout ? V’nez là que j’vous apprenne ce qu’est la vraie guerre, mes chéries ! »
La matriarche se jeta sur l’humain, accompagnée par trois guerriers et un garde… Le sang se mit à gicler de partout… Le shaman ne voyait rien mais nul doute, ce serait bientôt fini pour lui… Mais ? Mais ?? Les guerriers se prenaient des coups d’une violence terrible et leurs armures ne tiendraient plus très longtemps… L’humain, quant à lui, encaissait les coups comme une bête…
« Hahaaaaa ! Ramenez vous à cent, vous aurez peut-être une chance ! *Urgh* » …La matriarche venait de toucher l’humain à l’épaule du fil de son épée, enfin !
L’humain riposta et le shaman s’élança vers la guerrière qu’il courtisait depuis onze lunes afin de la sauver du trépas, à la vue du funeste spectacle de sang et membres éparpillés que répandait le coup que l’humain lui destinait sur son passage…
L’humain le vit et sembla s’énerver… Un beuglement terrifiant sortit de sa bouche et ses muscles imposants se contractèrent… La lame de sa lance vint jusqu’au cou du shaman puis plus rien…
… Quelques bruits de brisement d’os vinrent jusqu’aux tympans du shaman agonisant… S’il se rappelait bien de l’arme, pour l’avoir vue de près, ce devait être le marteau que l’humain utilisait à ses fins méprisables… Et les dernières paroles qu’il put entendre sans les comprendre furent les suivantes…
« Ha ! Pour sûr, ce soir, je paie une tournée générale ! Ce job est trop facile ! »